Par Annick Marmy, publiée sur Decadree.com.
Matilda a passé 9 mois au Rojava entre 2017 et 2018. Dans cette région à majorité kurde, une révolution sociale radicale a éclos au milieu d’un pays en plein conflit. L’idéal des internationalistEs: défendre la solidarité et la sororité face au patriarcat et l’impérialisme.
DécadréE: Qu’est-ce qui a motivé ton engagement?
Matilda: Selon moi, le Rojava représente une brèche dans le système capitaliste et une perspective concrète pour construire un monde au-delà de ce système. Le Confédéralisme Démocratique, le paradigme proposé par le mouvement de libération kurde, est basé sur trois piliers : la démocratie par le bas, l’écologie sociale et la libération des femmes. La science de libération des femmes – ou Jineologie – propose une méthode pour questionner le patriarcat et son enchevêtrement avec le capitalisme et l’État-nation. De nombreux espaces d’émancipation pour les femmes ont étés créés dans le Kurdistan du nord (Turquie) ainsi que dans la Fédération Démocratique de Syrie du Nord ou Rojava. Alors que presque toutes les structures mises en place au Kurdistan du Nord ont été attaquées par le régime turc, les coopératives de femmes et autres initiatives encourageant leur participation à la vie politique, fleurissent au Rojava. Un système de coprésidence hommes/femmes a notamment été mis en place à tous les niveaux des organisations politiques et les groupes de femmes ont le droit de veto sur les questions les concernant. De nombreuses lois progressistes ont aussi étés formulées comme le droit à l’avortement, l’interdiction de la polygamie ou l’attribution du revenu du mari à sa femme dans des cas de violence conjugale. Des maisons de femmes ont été créées et servent à la fois de refuge pour des femmes rescapées de l’esclavage de Daech et de lieu de lutte. […]
Car au Rojava, la lutte pour la libération des femmes est sans compromis: elle redonne aux femmes leur place dans les organisations, notamment grâce au système de coprésidence. Cela dit, le combat est encore loin d’être gagné. Plusieurs fronts de lutte tels que les droits des LGBTIQ+ doivent être renforcés. Toutefois, le Rojava est très certainement l’endroit où la lutte contre le patriarcat est la plus forte aujourd’hui. J’ai voulu partir pour contribuer à cette lutte, comprendre comment un tel mouvement s’est mis en place, et quelles perspectives il ouvrait pour les féministes en Europe.
Mais le vrai déclic a été l’histoire d’Ivana Hoffmann, une jeune communiste noire allemande partie au Rojava en tant qu’Internationaliste. Dans une lettre à ses camarades, elle avait écrit:
«Je ne peux pas continuer passivement à regarder comment mes sœurs, mes frères, mes amiEs, mères, pères et camarades se battent contre le capitalisme. Je représenterai l’internationalisme […]. Quand je reviendrai, j’infecterai mes camarades et mon entourage avec l’esprit de lutte et la volonté. Je serai comme une chanson qui entraînera tout le monde dans son élan.»
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